- méconnaître
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1 ♦ Vx Ne pas connaître.♢ Vx Refuser de reconnaître pour sien (un parent, un ami, un acte dont on est l'auteur). ⇒ désavouer.2 ♦ Mod. Ne pas reconnaître (une chose) pour ce qu'elle est. ⇒ ignorer, négliger, oublier. « Il se méprend sur moi et méconnaît profondément qui je suis » (A. Gide). Il ne méconnaît pas que ce (ne) soit là une exception importante, il le reconnaît.♢ Spécialt Refuser d'admettre, d'accepter, de tenir compte de (qqch.). « Il a déclaré que je n'avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles » (Camus). Méconnaître les lois.3 ♦ Ne pas apprécier (qqn ou qqch.) à sa juste valeur. ⇒ déprécier, méjuger, mésestimer. La critique méconnaît les auteurs de son temps.⊗ CONTR. Reconnaître; comprendre, connaître, considérer. Apprécier.Synonymes :- dédaigner- faire fi de- méjuger- mésestimerContraires :- apprécier- considérerNe pas voir quelqu'un, quelque chose tel qu'il est, mal connaître...Synonymes :- ignorer- négliger- oublierContraires :- reconnaîtreméconnaîtrev. tr. Ne pas savoir reconnaître, apprécier à sa juste valeur; ignorer.⇒MÉCONNAÎTRE, verbe trans.A. — Méconnaître qqc.1. Vx. Ne pas reconnaître, ne pas identifier (quelque chose de connu); ignorer. Quand on se mêle de critiquer, il ne faut pas pousser le défaut de mémoire jusqu'à méconnoître un passage de l'Écriture (CHATEAUBR., Martyrs, t. 1, 1810, p.98). Ils ont bien perdu, nos paysans, dans leur contact avec les livres, et qu'y ont-ils appris qu'une ignorance de plus, à méconnaître leurs devoirs? (E. DE GUÉRIN, Journal, 1837, p.124). Je suis encore fort étranger dans les Alpes. Je n'ai pu néanmoins méconnaître la cime colossale du mont Blanc (SENANCOUR, Obermann, t. 1, 1840, p.43).2. Ne pas reconnaître la véritable nature d'une chose; se méprendre sur ses qualités, son caractère. Comment méconnaître la nature des intentions qui soulevèrent cette juvénile fureur? (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p.67). Le temps vécu, conservé, amoncelé n'est donc rien, et pourtant on s'expose à de graves mécomptes et à des malentendus cruels si on méconnaît cette évidence de l'inexistant (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.32):• 1. Les populations de cet empire à demi barbare sont dans l'ombre; d'elles-mêmes et d'autrui, de leur intérêts, de leur avenir, elles distinguent et savent peu de choses; le gouvernement, qui devrait les guider et qui s'y hasarde en effet, ignore presque tout et méconnaît le reste. Or, pour les gouvernements comme pour les individus, méconnaître est pire qu'ignorer.HUGO, Rhin, 1842, p.441.♦[Le compl. désigne un affect] Méconnaître l'amour, la douleur, l'émotion de qqn. Je méconnus le sentiment de mon ami; il s'en aperçut, me prit la main (STAËL, Corinne, t. 2, 1807, p.247). J'ai jadis méconnu le dévouement d'une jeune fille, ma passion doit être aujourd'hui méconnue (BALZAC, Méd. camp., 1833, p.229).— En partic. [Le compl. désigne une loi, un règlement, un droit, etc.] Ne pas reconnaître comme valable ou légitime, refuser d'admettre, d'accepter. Méconnaître les bienséances, une coutume, un usage. Si la très grande majorité voulait être criminelle, et méconnaître les lois, qui est-ce qui aurait la force de l'arrêter ou de la contraindre? (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823,p.231). [Le sixième roi (de Rome)] flatte les classes inférieures, leur distribue des terres, méconnaissant le principe du droit de propriété (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p.317). [Les communistes] se garderont toujours de méconnaître mon autorité ou d'insulter ma personne (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p.100).Rem. On relève la constr. méconnaître que. Enfin il mourut, parce qu'il passa fièrement à côté de la médiocrité, méconnaissant que cette déesse est l'arbitre du monde et tient dans ses mains les seuls biens qui puissent être obtenus (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.318). Les Français dignes de ce nom ne peuvent méconnaître que la défaite anglaise scellerait pour toujours leur asservissement (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.277).B. — Méconnaître qqn/qqc. (relatif à qqn)1. Vieuxa) Ne pas reconnaître (quelqu'un de connu). Le roi retomba dans un accès plus terrible que jamais (...). La vue de la reine le mettait en fureur, et il méconnaissait aussi ses enfans (BARANTE, Hist. ducs. Bourg., t. 2, 1821-24, p.164). P. méton.; [le compl. désigne un attribut de la pers.] J'ai repoussé cette tête qui est retombée sur l'oreiller. Cette tête n'était plus belle: déjà en contemplant ce qui restait de mon unique amie, j'ai méconnu ses traits (LATOUCHE, L'HÉRITIER, Lettres amans, 1821, 163).— En partic. Affecter de ne pas connaître quelqu'un, refuser de le reconnaître pour sien. Il est devenu si orgueilleux qu'il méconnaît ses parents, ses amis (Ac.).b) Emploi pronom. réfl. Se tromper sur soi-même, sur sa nature propre. C'est elle [la responsabilité] (...) qui anime l'émulation, arrête les prétentions excessives, et punit d'une chute soudaine l'ambitieux qui se méconnaît (PROUDHON, Créat. ordre, 1843, p.424).— En partic. Oublier ses origines ou sa condition. Les parvenus se méconnaissent aisément. Vous prenez un ton qui ne vous convient pas, vous vous méconnaissez (Ac.).2. Ne pas reconnaître le mérite, la valeur de quelqu'un, ne pas apprécier quelqu'un à sa juste valeur. Nous pourrons lui dire son fait à cette société qui méconnaît des êtres de notre valeur (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.46). Mais n'est-ce pas, plutôt, que je souffre d'être méconnu par Max? Méconnu, c'est-à-dire insuffisamment apprécié à mon gré (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p.127). L'on a parfois appelé le XIXe siècle, siècle de la critique. Par antiphrase, sans doute: c'est le siècle où tout bon critique méconnaît les écrivains de son temps (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.19).— [P. méton. du compl.] Elle crut avoir méconnu l'âme de son vieux père en se voyant l'objet de ses soins les plus tendres (BALZAC, E. Grandet, 1834, p.218). Venir épancher (...) ses amertumes d'homme supérieur dont on méconnaît les services (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 3e tabl., III, p.114):• 2. ... je me demande si j'avais méconnu saint Thomas et Maurras; leurs doctrines continuaient à me déplaire; mais j'aurais voulu savoir comment on voyait le monde, comment on se sentait soi-même, quand on les adoptait...BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.288.Prononc. et Orth.:[
], (il) méconnaît [
]. Ac. 1694 et 1718: mesconnoistre; 1740-1798: méconnoître; dep. 1835: méconnaître. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié du XIIe s. intrans. «ignorer» (Psautier Cambridge, 118, 67 ds T.-L. [ignoravi]); 2. ca 1165 trans. «ne pas reconnaître» (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 6449, ibid.); 3. a) ca 1200 «ne pas apprécier quelqu'un ou quelque chose à sa juste valeur» (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke et P. Rasch, 2582); b) 1834 méconnu «qui n'est pas apprécié à sa juste valeur» (BALZAC, Langeais, p.306); c) 1840 subst. (ID., Prince Bohême, p.368); 4. a) ca 1245 «inconnu» (St Auban, 78 ds T.-L.); b) 1809 «qui n'est pas connu, qui ne jouit pas de notoriété» (CONSTANT, Wallstein, p.5); 5. a) 1349 se mesconoistre «se tromper» (Songe vert, 406 ds T.-L.); b) 1508 «se tromper sur soi-même, se surestimer» (É. D'AMERVAL, Livre de la deablerie, éd. Ch. Fr. Ward, p.85a); 6. 1377 [ms. du XVIe s.] «ignorer, ne pas reconnaître une chose pour ce qu'elle est» (trad. de la Chirurgie de LANFRANC, f° 59 ds LITTRÉ); 7. 1672 «refuser de reconnaître pour sien (un parent, un ami, un acte dont on est l'auteur)» (RACINE, Bajazet, I, 1); 8. 1717 «refuser d'admettre, d'accepter» (Cour des comptes, aides et fin. de Normandie, arrêt ds LITTRÉ). Dér. de connaître; préf. mé- Fréq. abs. littér.:810. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1514, b) 865; XXe s.: a) 1038, b) 1063.
méconnaître [mekɔnɛtʀ] v. tr. [CONJUG. connaître.]ÉTYM. Déb. XVIIe; mesconoistre, v. 1160; de mé-, et connaître.❖1 (V. 1160). Vx. Ne pas reconnaître, ne pas identifier (qqn, un animal, qqch.). || « Il avait changé d'habit, je le méconnaissais. Ce cheval qui était maigre, est devenu si gras qu'on le méconnaît » (Académie, 1re éd. 1694).♦ Par ext. (Vx). Refuser de reconnaître pour sien (un parent, un ami, un acte dont on est l'auteur…). ⇒ Désavouer. || Les vilains qui ont fait fortune méconnaissent aisément leurs parents (Furetière). — Pron. || Se méconnaître : oublier ses origines ou sa condition, « faire le fat et le glorieux » (Richelet).2 Mod. Ne pas reconnaître (une chose) pour ce qu'elle est, ne pas discerner les qualités, les caractères de (qqch.). ⇒ Ignorer, méprendre (se méprendre sur), négliger, oublier. || Nous méconnaissons ce qu'il y a d'enfantin (cit. 6) dans ces émotions. — Méconnaître une partie de la réalité (→ Autonome, cit. 3). Méconnaître le caractère expérimental d'une science, le sens d'une expression (→ Géométrie, cit. 3; islam, cit. 1). — Pron. (sens réfl.). Se tromper sur soi-même, sur sa propre nature.1 Car il ne faut pas se méconnaître : nous sommes automate autant qu'esprit (…)Pascal, Pensées, IV, 252.2 (…) elle a été fort émue de ma douleur qu'elle ne pouvait méconnaître, je fondais en larmes en lui parlant.B. Constant, Journal intime, 3 sept. 1815.3 (…) il se méprend sur moi et méconnaît profondément qui je suis (…)Gide, Journal, 6 nov. 1922.4 (…) il consultait même quand son parti était pris, « pour s'assurer, dit Thiers, qu'il n'avait pas méconnu quelque côté de la question soumise à son jugement (…) »Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, « De Brumaire à Marengo », VI.5 (…) Chateaubriand feint de croire que son amour avait été méconnu, et que madame de Beaumont s'en avisait tardivement.Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 268.♦ Spécialt. Ne pas reconnaître pour vrai, valable, ou légitime; refuser d'admettre, d'accepter.6 Il a déclaré que je n'avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles et que je ne pouvais pas en appeler à ce cœur humain dont j'ignorais les réactions élémentaires.Camus, l'Étranger, II, IV.♦ Méconnaître que…, en phrase négative ou interrogative, suivi du subjonctif accompagné ou non du ne explétif. || Méconnaît-il que ce (ne) soit là un cas particulier ? || Il ne méconnaît pas que ce (ne) soit là une exception importante, il le reconnaît. — REM. L'indicatif insiste sur le caractère incontestable du fait envisagé. || Il ne méconnaît pas ou Méconnaît-il que c'est là un cas particulier ?3 Ne pas apprécier (qqn ou qqch.) à sa juste valeur. ⇒ Déprécier, méjuger, mésestimer. || La critique (2. Critique, cit. 10) méconnaît les auteurs de son temps. — Spécialt. Ne pas reconnaître un bienfait, un service, ne pas en être reconnaissant.7 Ne vous exagérez pas les maux de la vie, et n'en méconnaissez pas les biens, si vous cherchez à vivre heureux.Joseph Joubert, Pensées, X, XXXI.8 À présent, que le bon Dieu me juge; moi, je pardonne à ceux qui me méconnaissent.G. Sand, la Petite Fadette, XIX.9 Il avait exalté orgueilleusement ses propres mérites parce que les autres les avaient méconnus.A. Maurois, Chateaubriand, VII.——————méconnu, ue p. p. adj. (plus cour.).♦ Qui n'est pas reconnu, estimé à sa juste valeur. || Autorité méconnue (→ Implacable, cit. 5). || « Il n'est pas un homme… qui n'ait été jusqu'à un certain point méconnu » (→ Escorter, cit. 9, Montherlant). || Un écrivain (cit. 15), un génie méconnu. || Génération indignement méconnue (→ Honorer, cit. 8). — Subst. || Jouer les méconnus (→ Incompris). || Un grand méconnu.10 (…) il vous persuadera qu'il est un ange repentant, peut-être même un saint méconnu, et (…) vous serez sa dupe.G. Sand, le Marquis de Villemer, III.❖CONTR. Reconnaître; comprendre, connaître, considérer, entendre (II). — Apprécier. — Reconnu.DÉR. Méconnaissable.
Encyclopédie Universelle. 2012.